Union Académique Internationale
Epistolae Pontificum Romanorum
Retour aux projetsProjet nº75, adopté en 2007
En 1896, Paul Fridolin Kehr créa le « Göttinger Papsturkundenwerk », ce qui constitua une nouvelle étape dans l’étude des actes pontificaux. De manière systématique, Kehr, ses collaborateurs et ses successeurs exploitent les archives et les bibliothèques depuis l’Italie jusqu’au Portugal, de l’Allemagne jusqu’en Angleterre pour collectionner et publier tous les documents de l’Évêque de Rome antérieurs à 1198. À partir de cette date, les registres conservés à Rome satisfont la curiosité des chercheurs. Par contre, les sources couvrant les douze siècles de Saint Pierre à Célestin III ne sont conservées que chez les destinataires des lettres, des mandats ou des privilèges partout dans l’Europe. Très souvent, les traces des documents perdus se cachent dans les copies des cartulaires, dans les mentions ultérieures ou dans des chroniques locales. Il s’agit du fonds le plus vaste de sources écrites en Europe. Personne – pas même le pape lui-même – ne connait le nombre de documents expédiés ou conservés, qui dépasse les 30.000 à l’apogée du Moyen Âge.
Par la bulle pontificale, les portraits de saint Pierre et de saint Paul se sont répandus partout dans le monde latin. Dès les débuts légendaires, l’autorité des successeurs du chef des apôtres rayonne dans ses discours avec ses confrères d’Alexandrie, de Constantinople et de Jérusalem. À partir du XIe siècle, la curie se place en tête d’une discussion paneuropéenne. Par la plume, elle devient un des moteurs les plus importants de l’unité du continent. Ses lettres et ses diplômes traitent d’une modernisation systématique des normes théologiques et juridiques, de l’administration et même de l’essor culturel. Seuls l’accès à la totalité des sources et l’analyse comparée des voies et des modes de communication permet de comprendre le succès extraordinaire mis en œuvre dans la chancellerie pontificale. Mais l’ensemble connu aujourd’hui ne comprend pas tous les trésors des archives et des bibliothèques. Les découvertes présentées dans des publications récentes en sont la preuve.
Le projet vise à récolter les fruits de plus d’une centaine de recherches, à tracer de nouvelles routes méthodiques et à exploiter le fonds le plus important de l’histoire européenne. Le pape s’occupe de l’administration du patrimoine en Italie et des conflits paroissiaux en Irlande. Il règle la hiérarchie des prélats en Espagne et combat les théologiens dissidents à Constantinople. Sa dispense de mariage détermine le bonheur ou la chute des dynasties. La chaire de saint Pierre devient elle-même l’objet des luttes peu pieuses entre les protagonistes de l’Église et les princes.
Quoique les documents sortent de la chancellerie pontificale, leur contenu couvre aussi les besoins des destinataires, leurs litiges, leur ordre de vie, leurs privilèges. En correspondant ou en appointant des légats, l’Évêque de Rome s’est dédié à la tâche de constituer une république chrétienne homogène. Plus d’une centaine de publications – éditions, regestes, études – prouve le succès du « Göttinger Papsturkundenwerk » depuis 1906. Les études scrupuleuses de Kehr et de ses successeurs ont développé la série Regesta Pontificum Romanorum, qui inventorie tous les contacts du pape avec la chrétienté, incluant les sources manuscrites, les éditions scientifiques et les fruits de la recherche. Le réseau international de spécialistes a été renforcé en 1931 par la Pius-Stiftung für Papsturkundenforschung (fondation établie par le pape Pie XI) et après la guerre par des coopérations avec des instituts en France et en Espagne. À Göttingen les spécialistes se servent d’apparat de recherche unique (des photos, des dessins et des microfilms, des éditions, des livres et des articles, dont des travaux inédits).
Depuis 2007, le projet « Papsturkunden des frühen und hohen Mittelalters », basé lui aussi à l’Académie de Göttingen, élargit et intensifie le champ des recherche du « Göttinger Papsturkundenwerk ». Ses buts principaux visent à
- étendre le projet aux pays de l’Europe centrale aux « périphéries » d’Espagne, du Portugal, de Pologne, de Bohème, de Hongrie et de Dalmatie-Croatie, où les archives n’ont guère été traitées jusqu’ici. Le matériel publié dans des nouveaux tomes de la série « Pontificia » offre une grande richesse car il présente de nouveaux contacts jusqu’alors inconnus et donne accès à une recherche comparée dans un cadre européen. Cette recherche profite fortement de la collaboration avec les instituts ibériques et ouvre la perspective d’études se focalisant sur les zones de contacts avec l’Islam et l’église orthodoxe.
- établir une liste actualisée des lettres, diplômes et actes des papes jusqu’à l’an 1198. La deuxième édition des régestes chronologiques de Philipp Jaffé date de 1885/1888 et sera remplacée par une réédition mise à jour des connaissances comprenant les découvertes du siècle dernier, les éditions modernes et les renvois aux volumes de la série « Pontificia ». Cet inventaire systématique double le matériel disponible pour la recherche et facilite l’accès à un fonds unique en son genre.
- publier les matériaux du « Göttinger Papsturkundenwerk », qui comprend des photos et des transcriptions des originaux ainsi que des milliers de pages manuscrites rassemblées par les chercheurs dans les archives (surtout d’Espagne) dès environ 1920 et particulièrement dans les années 1970. Le travail des contributeurs au projet ainsi que des partenaires ibériques profite énormément de ces notices rendues accessibles. Les matériaux diplomatiques et photographiques de Göttingen (dont le nombre croît grâce aux études archivistiques du projet) seront publiés en ligne.
Depuis 2009, de nombreux résultats ont été publiés : la Bohemia et la Polonia Pontificia, ainsi que 4 volumes de l’Iberia Pontificia. La nouvelle et troisième édition de Jaffé a été publiée en trois volumes allant jusqu’en 1024, avec plus de 8000 répertoires chronologiques. Le pape François a reçu ces volumes lors d’une audience en novembre 2018.