Union Académique Internationale

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Projet n°69, adopté en 2005

Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme d’après les sources chinoises et japonaises

Ce titre quelque peu mystérieux est la prononciation sino-japonaise de quatre caractères chinois qui signifient « Forêt des sens du trésor de la Loi (bouddhique) » ; il décrit en termes symboliques courants dans le bouddhisme d’Extrême-Orient l’intention première du projet : mettre à la disposition du public savant, sous forme d’encyclopédie alphabétique dont les entrées étaient classées selon la prononciation japonaise, une exposition systématique des doctrines (c’est le gi du titre, signifiant « sens » ou « dogme ») bouddhiques fondamentales telles qu’elles ont été conservées dans le trésor scripturaire constitué par le canon bouddhique chinois traduit des langues indiennes et élaboré dès le haut moyen-âge, pour culminer avec la grande édition japonaise connue sous le nom de Canon bouddhique révisé de l’ère Taishô (Taishô shinshû daizôkyô), paru entre 1924 et 1934. Cette entreprise avait été conçue à l’origine par deux grands spécialistes du bouddhisme du siècle dernier : un Français, Sylvain Lévi (1863–1935), peut-être le plus grand orientaliste de son temps, et Takakusu Junjirô (1866–1945), l’un des grands pionniers des études bouddhiques d’inspiration moderne au Japon. Le premier fascicule, comportant 96 pages sur deux colonnes, illustré d’oeuvres d’art bouddhique conservées au Japon, fut publié en 1929 à Tôkyô. Il était placé sous la responsabilité éditoriale du grand sinologue Paul Demiéville, avec le haut patronage de l’Académie Impériale du Japon et de la Maison Franco-Japonaise de Tôkyô. Le second fascicule parut en 1930, mais après le troisième (1937), le projet connut une éclipse de trente ans, pour redémarrer dans les années soixante du XXe siècle, publié cette fois par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut de France.

Malgré les années passées et le progrès des études bouddhiques aux États-Unis notamment, le Hôbôgirin garde toute son utilité. Il est l’un des travaux de référence de langue française le plus systématiquement consultés à l’étranger dans une spécialité donnée et il garde un prestige particulier auprès des spécialistes japonais, malgré l’indéniable attrait exercé chez ceux-ci par la bouddhologie anglo-saxonne dans ses récents développements. Si l’on a vu l’apparition de projets encyclopédiques en anglais, aucun ne recoupe les perspectives du Hôbôgirin, qui reste le seul à se consacrer aux sources chinoises et japonaises et demeure en ce sens un instrument de travail unique.

Il faut souligner que la perspective, « extra-indienne » dès l’origine, de cette encyclopédie, s’accorde parfaitement avec les nouvelles tendances de l’étude du bouddhisme, laquelle avait été longtemps marquée par les tentatives de reconstruction de la personnalité et de la vie de son fondateur, ainsi que par l’établissement d’une chronologie du développement des doctrines et de la communauté religieuse en Inde.

Il est donc indispensable de rester dans cet axe sino-japonais, en y ajoutant toutefois de façon beaucoup plus explicite les sources coréennes, souvent non distinguées des deux premières, et en se préoccupant des sources viêtnamiennes, elles aussi rédigées en chinois classique et très peu exploitées jusqu’à maintenant.

L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, en la personne de son regretté Secrétaire perpétuel, Jean Leclant, a tenu à continuer et à achever cette oeuvre qui est sans nul doute l’un des fleurons de l’érudition de langue française. Il a été demandé à Jean-Noël Robert d’en reprendre la direction. Un certain nombre d’années ont été consacrées à trier, dans les manuscrits subsistants, les articles qui pouvaient être publiés. Il est apparu que ceux qui auraient pu l’être auraient dû être réécrits de fond en comble, ce qui n’était pas impossible sans doute, mais qu’ils représentaient une forme d’érudition trop attachée aux critères anciens pour pouvoir répondre aux exigences actuelles. Les sources chinoises et japonaises ont en effet cessé d’être les matériaux primordiaux des études bouddhiques : d’une part, depuis les années soixante du XXe siècle, un flot ininterrompu d’œuvres écrites par les docteurs tibétains a inondé les bibliothèques d’Occident, offrant à la fois des traductions de textes sanscrits, mais aussi une tradition originale méritant d’être étudiée pour elle-même ; d’autre part, la littérature du grand Véhicule de langue sanscrite, dont on croyait disparues un grand nombre d’œuvres importantes, s’enrichit constamment de nouvelles découvertes, que ce soit dans les fonds manuscrits indiens et népalais systématiquement explorés ou grâce à la brusque apparition de collections cachées au Tibet.

Tout cela fait que les sources chinoises et japonaises ont vu relativiser leur importance comme accès privilégié au bouddhisme indien ancien. En même temps, les progrès de l’informatique ont rendu possible l’exploitation électronique du canon bouddhique chinois et japonais avec une finesse et une précision inimaginables auparavant, ce qui a donné des perspectives nouvelles aux recherches sur l’histoire des doctrines et de la pensée bouddhiques en Asie Orientale